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Henry IV

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Henry IV

Henri IV

La jeunesse d’Henri

Le plus populaire, le plus truculent aussi des souverains français, le jeune Henri, reçoit une éducation insolite pour un futur monarque. 

Fils d’Antoine de Bourbon et de Jeanne d’Albret, il est confié à Madame de Miossens, qui possède un domaine campagnard. Il s’ébat avec les petits villageois, il court la campagne en leur compagnie, partage leurs jeux, leur nourriture frugale, ne se distinguant nullement par son habillement. 

A partir de 1560, nommé lieutenant général du royaume de France à la faveur de l’avènement de Charles IX, son père le fait venir à Paris. Henri charme aussitôt la cour du Louvre par sa spontanéité et ses reparties. Le collège de Navarre l’accueille et lui prodigue une éducation qui est alors celle des nobles de l’époque. 

Mais la mort d’Antoine de Bourbon, en 1562 au siège de Rouen, incite sa veuve Jeanne d’Albret à regagner ses États, acquis à la Réforme et dont elle partage les convictions. Ainsi Henri de Navarre devient calviniste, situation qui lui barrera un moment la route du trône, ce trône auquel il peut prétendre à la mort du duc d’Anjou, frère d’Henri III, lui-même sans postérité.
Jeanne d’Albret accorde d’ailleurs tous ses soins à cette probable échéance. Henri est à peine âgé de 15 ans lorsque sa mère le conduit au camp des huguenots de La Rochelle. C’est le début d’une initiation militaire qui le fait assister au combat de Jarnac, où le prince de Condé trouve la mort. L’événement hisse d’emblée le jeune Béarnais au titre nominal de chef du parti protestant sous la direction de fait de l’amiral de Coligny. 
Ses pérégrinations de jeunesse dans les collines béarnaises le rendent apte à cette guerre de « coups de main » qui caractérisent par la suite la lutte dans le Midi. Henri s’y initie à la conduite de petites unités, surgissant à l’improviste et disparaissant aussitôt, circonstances qui développent son sens tactique du combat. 
Le confirme bientôt sa participation heureuse au succès de Coligny à Arnay-le-Duc*,
événement qui incitera Catherine de Médicis à conclure la paix de Saint-Germain-en-Laye (1570).


Le gage de réconciliation est le mariage du Béarnais avec Marguerite de Valois, la « reine Margot », soeur de Charles IX, avec laquelle il ne s’entendra guère. Cette fois, après l’éducation militaire, voici celle de la Cour... plus subtile et tout aussi dangereuse, puisqu’en 1572 le décès de Jeanne d’Albret a fait d’Henri un roi de Navarre à peine âgé de vingt ans. La Saint-Barthélemy est proche et le parti des conjurés se pose la question de savoir s’il convient de laisser le jeune souverain sur la liste des condamnés. Charles IX obtient rémission à grand-peine, à condition que son beau-frère abjure. Opportuniste, Henri préfère la messe à la mort.
Cette belle humeur devant le danger, cette constance dans l’infortune caractérisent ce personnage mûri par les épreuves dès le plus jeune âge. A la science de l’homme de guerre, à son courage s’ajoutent, en effet, le flair du subtil manœuvrier, et aussi la ruse du diplomate qui cache ses meilleurs coups derrière une habituelle faconde. Elle le rend d’emblée sympathique et fait tomber réticences et préjugés chez l’interlocuteur.

Roi de Navarre

Esprit vif et observateur, Henri de Navarre sait merveilleusement s’adapter aux circonstances. Son jugement est sûr, son observation toujours réaliste et son bon sens de « paysan béarnais » lui permettent d’éviter les embûches, d’éventer les pièges et, bien souvent, de retourner en sa faveur des situations compromises. La patience fait le reste autant qu’une volonté, un entêtement solide et une claire vision du but à atteindre. 
Durant près de quatre années, Henri joue donc de ces ressources pour duper le parti extrémiste de la Cour, qui ne l’apprécie guère. Il réprime habilement en lui le ressentiment qui l’a tant fait souffrir à son arrivée à la Cour. Il cache sa résignation douloureuse au lendemain de la Saint-Barthélemy. Il fait taire ses sentiments de révolte devant les sarcasmes des courtisans autant que devant l’inconduite de la « reine Margot ». Il attend son heure. 

Elle vient un jour de février 1576, au cours d’une chasse en forêt de Senlis. Celui qui est, en fait, un « otage de la Cour » profite d’un écart dans le bois pour prendre le large. Le roi de Navarre galope vers le sud, bride abattue, atteint la Loire, se rétracte de son abjuration au passage à Tours et gagne le Poitou, terre calviniste. Là, le fugitif prend la tête de ses partisans et son emprise s’étend pratiquement jusqu’au Languedoc.
La constitution de la Ligue annule les heureux effets du traité de Beaulieu. Les hostilités reprennent en 1577, alternant avec les périodes de négociations, mais les positions sont trop tranchées de part et d’autre pour qu’un accord soit durable.
En 1580, le roi de Navarre fait tomber la place de Cahors, important bastion catholique. L’assemblée protestante de Montauban confère au Béarnais le titre de protecteur des Églises en 1581. L’année suivante, l’assemblée de Saint-Jean-d’Angély définit ses pouvoirs. 

Mais l’événement le plus important de cette époque fertile en rebondissements est sans conteste la mort du duc d’Anjou, frère d’Henri III, en juin 1584. L’absence d’héritier royal élève d’emblée le roi de Navarre au rang d’héritier de la couronne.
Cette fois, pour les catholiques, la mesure est à son comble. Fidèle reflet de la pensée de la famille de Guise, la Ligue s’émeut. L’émotion s’étend jusqu’à Madrid, où la perspective d’une France réformée incite Philippe II à promettre 50 000 écus par mois et des volontaires pour « extirper sectes et hérésies ». Devant Henri III se dresse désormais le puissant et entreprenant duc de Guise, qui se targue d’une ascendance carolingienne !
La lutte redouble de 1586 à 1589 et porte le nom de « huitième guerre civile » ou « guerre des trois Henri ».Bafoué par les Guise et les ligueurs, Henri III se rebiffe. Dagues et épées des
Quarante-cinq mettent brutalement un terme aux ambitions du Balafré. Par haine des seconds, Henri III se rapproche du roi de Navarre, suivant en cela les conseils des membres du parlement de Paris, installé à Tours. Le 30 avril 1589, près de Plessis-lez-Tours, pour la première fois depuis treize ans, le roi en titre rencontre celui qu’on appelait naguère Henriquet. L’armée du Béarnais campe de l’autre côté du Cher. Mais le roi de Navarre n’a, cette fois, nul besoin de la force pour faire triompher sa cause. Les cris des assistants suffisent à montrer que l’heure est celle de la conciliation : « Vive le roi ! », lancent certains, auxquels répondent les exclamations de « Vive le roi de Navarre ! » et, fait significatif, de « Vive les rois ! ».
Pour Henri III, le souhait ne se réalisera pas, puisque le poignard du moine Clément met bientôt un terme à son existence. Mais le monarque a eu suffisamment de lucidité et de bon sens pour sceller à Plessis-lez-Tours l’unité retrouvée du royaume. Henri de Navarre est le successeur désigné. La Ligue est moralement vaincue. Encore convient-il de confirmer cette constatation sur le terrain.

Henri IV

Pour le futur Henri IV commence dès lors la troisième partie du triptyque : prétention, confirmation, consécration. La tâche est d’autant plus difficile à réaliser qu’à l’image de Charles VII, « roi de Bourges », face aux Anglais, Henri n’est en fait que le « roi des huguenots du Sud-Ouest », même s’il est venu mettre le siège devant Paris aux côtés du défunt souverain.
Le tout-puissant Philippe II d’Espagne fournit hommes, armes et subsides à la Ligue, dirigée par le duc de Mayenne, car il caresse l’espoir de faire un jour monter sur le trône de France sa fille Isabelle, petite-fille d’Henri II par sa mère. Mais nombre de catholiques français (et le duc de Mayenne est de ceux-là) redoutent de voir une mainmise espagnole sur la France. Une réaction patriotique se devine en effet, et Henri a l’habileté de faire, le 4 août 1589 à Saint-Cloud, une déclaration aux termes de laquelle il prend l’engagement de maintenir la religion romaine dans le royaume, de se faire instruire dans cette foi, tout en maintenant les édits de ses prédécesseurs quant aux garanties accordées naguère aux réformés.
C’est là une initiative judicieuse qui révèle, si besoin était, les qualités politiques du nouveau roi de France. Mais il lui reste à devenir roi des Français. 

Et ce n’est qu’au prix d’une guerre ruineuse (contre la Ligue, le duc de Mayenne et l’Espagne) et d’un royaume désuni qu’il comprend qu’il lui faut accomplir un acte politique. Ce ne peut être autre chose qu’une abjuration solennelle. Le 25 juillet 1593, après un ultime entretien avec l’archevêque de Bourges à la basilique Saint-Denis, le roi se déclare convaincu. S’agenouillant, il jure « devant la face du Dieu tout-puissant de vivre et mourir en la religion catholique, de la protéger et défendre encore et contre tous, au péril de son sang et de sa vie, renonçant à toutes les hérésies contraires ». Si le Saint-Siège se montre au premier abord prudent, l’effet de cette abjuration est indéniable. Le sacre est célébré à Chartres le 25 février 1594. Paris ouvre ses portes le 22 mars suivant. Le tenace duc de Mayenne subit un ultime échec à Fontaine-Française, en Bourgogne, le 5 juin 1595, ce qui entraîne peu après sa soumission. L’irréductible duc de Mercœur, farouche ligueur replié en Bretagne, compose à son tour en mars 1598. Enfin, Henri IV tient les promesses de sa déclaration de Saint-Cloud, faite neuf ans auparavant, en promulguant l’édit de Nantes. Le 13 avril 1598, cet acte affirme le catholicisme religion d’État tout en conférant aux réformés des garanties élémentaires d’exercice du culte. Enfin, le 2 mai suivant, le traité de Vervins ramène la paix entre la France et l’Espagne.


La politique de réunification, prônée par Henri III, est achevée. L’unificateur béarnais se montre alors constructeur. On reconnaît toujours un grand chef ou un grand monarque à la qualité de ses commis d’État. Dans ce cas, Henri IV est un grand roi, car Sully, Olivier de Serres, Adam de Craponne, Barthélemy Laffemas, entre autres, sont autant d’avisés serviteurs. Sous leur impulsion, la France panse ses plaies, laboure, cultive, plante, travaille, préparant la réussite du Grand Siècle.

Son règne

Sous des dehors légers, frivoles, fantaisistes, dont la chronique a surtout retenu la truculence de caractère et une galanterie débordante, Henri IV se révèle donc fin politique. 

Dans un vaste pays livré durant trois décennies à l’anarchie, il manifeste d’emblée le souci d’abaisser les grands qui font passer leur intérêt personnel avant celui de l’État. Mais, en contrepartie, le roi se concilie les plus modestes serviteurs de l’État en leur accordant l’édit de la paulette, qui énonce le principe de la vénalité et l’hérédité des charges administratives.
A l’extérieur, le traité de Lyon permet, en 1601, un agrandissement du royaume entre Saône et Rhône par l’acquisition de la Bresse, du Bugey, du Valromey et du pays de Gex, amenant la fleur de lys aux portes de Genève. Des alliances sont nouées avec les petits princes italiens, la Toscane fournissant la princesse Marie de Médicis, qui deviendra la deuxième épouse du souverain et assurera la descendance de la lignée. D’autres accords sont conclus avec les protestants d’Allemagne, car l’empire des Habsbourg, autant que l’Espagne, est l’adversaire à abaisser.
Ce début de siècle voit la France prendre une dimension planétaire avec la fondation de Québec par Champlain en 1608. Et c’est sous ce règne que le royaume trouve son « Magellan », en l’occurrence le Breton Pierre Olivier Malherbe qui contourne au même moment le continent sud-américain. Atteignant les Philippines et le Sud-Est asiatique, il reçoit l’hommage du Grand Mogol puis du shah de Perse avant de remonter le long du littoral africain, revenant à Paris en 1609 pour proposer au roi d’exploiter les mines d’or et d’argent entrevues outre-mer.


Aussi, lorsque le poignard de Ravaillac frappe le « bon roi Henri », le 14 mai 1610, dans la rue de la Ferronnerie, l’acte du criminel ne peut guère modifier la situation politique du royaume, bien que la minorité de Louis XIII favorise durant une douzaine d’années encore intrigues de cour et ambitions. Mais ni le sort de la monarchie, ni l’unité du royaume ne sont menacés. L’oeuvre d’Henri IV survivra. En revanche, ce drame frappe injustement un monarque dont le trait dominant, outre la simplicité et la bonté, est le souci du bien public. Avec son glorieux panache blanc des champs de bataille, l’imagerie populaire a conservé la formule de la poule au pot du dimanche. « Si l’on ruine mon peuple, se plaît-il à rappeler à la noblesse, qui me nourrira ? Qui soutiendra les charges de l’État ? Qui paiera les redevances ? C’est lui qui nous fait tous vivre. »
Certes, tout n’est pas parfait chez le premier roi de la dynastie bourbonienne. Il n’est pas toujours reconnaissant envers ses lieutenants. Les incartades de sa vie privée coûtent cher au royaume. Mais ces excès, ces travers, qui l’empêchent d’apparaître comme le souverain parfait, ne nuisent nullement à sa gloire populaire : « Ses hautes vertus mêlées d’étranges faiblesses, dira de lui Augustin Thierry, ont fait de lui un type unique de roi à la fois aimable et imposant, profond de sens et léger de goûts, plein de grandeur d’âme et de calcul, de sympathie pour le peuple et d’orgueil de race, et toujours et avant tout patriote admirable. » Jamais le trône n’a été aussi proche de la nation.

Lu 4770 fois Dernière modification le dimanche, 19 avril 2020 15:41

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